Un pas de plus vers un traité sur les crimes contre l'humanité

Le 18 octobre 2022, la Sixième Commission, principal forum d'examen des questions juridiques à l'Assemblée générale des Nations Unies, a approuvé une résolution sur «Crimes contre l'humanité» sans vote. La résolution offre un espace pour un échange de vues de fond sur tous les aspects du projet d'articles sur la prévention et la répression des crimes contre l'humanité et un examen de la recommandation de la Commission du droit international pour la convention sur la base du projet d'articles. La résolution définit le processus d'examen de ce sujet par le Comité et un calendrier précis pour l'examen par le Comité des projets d'articles. La résolution invite en outre les États à soumettre, d'ici la fin de 2023, des commentaires et observations écrits sur le projet d'articles et sur la recommandation de la Commission. Le Secrétaire général doit préparer et diffuser une compilation de ces commentaires et observations bien avant la session de la Sixième Commission qui se tiendra en 2024. La résolution fait suite au rapport de la Commission du droit international et projet d'articles pour un traité sur les crimes contre l'humanité soumis à la Sixième Commission pour examen en 2019.

Les crimes contre l'humanité sont définis à l'article 7 de la Statut de Rome à la Cour pénale internationale comme des crimes tels que le meurtre, l'extermination, l'asservissement, la déportation ou le transfert forcé de population, la torture, le viol, l'esclavage sexuel et bien d'autres, lorsqu'ils sont commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique dirigée contre toute population civile, en connaissance de l'attaque. Les crimes contre l'humanité n'ont pas besoin d'être liés à un conflit armé et peuvent également se produire en temps de paix.

Les projet d'articles sur la prévention et la répression des crimes contre l'humanité, qui deviendront la base du traité international, incorporent, entre autres, d'importantes obligations de prévention des crimes contre l'humanité. Conformément au projet d'article 3 sur les obligations générales, « 1. Chaque État a l'obligation de ne pas se livrer à des actes qui constituent des crimes contre l'humanité. 2. Chaque État s'engage à prévenir et à réprimer les crimes contre l'humanité, qui sont des crimes de droit international, qu'ils soient ou non commis en temps de conflit armé. 3. Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit, telle qu'un conflit armé, une instabilité politique intérieure ou un autre état d'exception, ne peut être invoquée pour justifier des crimes contre l'humanité. En outre, aux termes du projet d'article 4 sur l'obligation de prévention, « chaque État s'engage à prévenir les crimes contre l'humanité, conformément au droit international, par : (a) des mesures législatives, administratives, judiciaires ou autres mesures préventives efficaces efficaces sur tout territoire sous sa juridiction; et b) coopération avec d'autres États, les organisations intergouvernementales compétentes et, le cas échéant, d'autres organisations.

Actuellement, de telles obligations en matière de crimes contre l'humanité n'existent pas en droit international, alors qu'il existe des traités internationaux axés sur d'autres crimes internationaux, et en particulier les crimes de génocide, de torture, d'apartheid et de disparitions forcées.

Étant donné que la Sixième Commission doit passer aux étapes suivantes pour rendre le projet d'articles sur la prévention et la répression des crimes contre l'humanité un mécanisme de droit international juridiquement contraignant, la nécessité d'un tel traité ne saurait être davantage soulignée. Compte tenu du nombre sans cesse croissant de cas d'atrocités horribles dans le monde, il faut faire davantage pour s'assurer que cette tendance est traitée de toute urgence. Malgré l'obligation existante de prévenir le génocide, à l'article I de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Convention sur le génocide), les États hésitent à reconnaître des atrocités comme génocide, ou même à reconnaître le risque grave de génocide, à agir pour empêcher. La nature unique du crime de génocide, tel que défini à l'article II de la convention sur le génocide, exigeant l'intention spécifique de détruire un groupe protégé, en tout ou en partie, permet aux États de s'en tirer sans prendre aucune mesure car ils prétendent que le seuil du crime n'a pas été atteint. Ceci même après que la Cour internationale de justice a précisé que «l'obligation d'un État de prévenir, et le devoir correspondant d'agir, naissent au moment où l'État apprend ou aurait normalement dû avoir connaissance de l'existence d'un risque grave qu'un génocide soit commis», plutôt que les États soient certains qu'un génocide est en train d'être perpétré. La responsabilité beaucoup plus large de protéger (R2P) incorporant une responsabilité des États de protéger leurs propres populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l'humanité et une responsabilité collective de s'encourager et de s'entraider pour respecter cet engagement, est un engagement politique, et en tant que tel, non juridiquement contraignant.

Le nouveau traité sur les crimes contre l'humanité renforcerait la force juridique de la prévention et de la répression des crimes contre l'humanité. Encore une fois, le traité est plus nécessaire que jamais. En cas de doute, il faut penser aux atrocités perpétrées au Myanmar, au Xinjiang (Chine), au Tigré (Éthiopie), au Nigéria, en Ukraine, en Afghanistan – des atrocités qui répondent aux définitions juridiques des crimes contre l'humanité et du génocide.

Source : https://www.forbes.com/sites/ewelinaochab/2022/11/19/a-step-closer-towards-a-treaty-on-crimes-against-humanity/